Faut-il bannir Huawei de la 5G? La valse-hésitation
Dans un document stratégique adopté en mars 2017, le gouvernement britannique affirmait sa « claire ambition de faire du Royaume-Uni un leader mondial » dans l’utilisation et le développement de la prochaine génération de technologie mobile. Le document mettait l’accent sur les opportunités économiques que créerait la 5G et sur les améliorations concrètes, tels les véhicules autonomes, qu’elle apporterait au quotidien des citoyens. Tout en reconnaissant (brièvement) la nécessité de garantir la sécurité et la protection des données, elle restait vague sur les risques dont la 5G pourrait être porteuse.
Depuis lors, les inquiétudes suscitées par le rôle de Huawei se sont accrues. Et le gouvernement des Etats-Unis s’oppose à ce que ses alliés permettent à la firme chinoise d’entrer dans leurs futurs réseaux 5G. Mais le gouvernement britannique n’a pas encore décidé de ce qu’il va faire.
Dès que Huawei a commencé à opérer au Royaume-Uni au début des années 2000, le 10 Downing Street a craint que le gouvernement chinois utilise les équipements de l’entreprise à des fins malveillantes. En 2010, Londres a même créé le centre d’évaluation de cybersécurité Huawei (HCSEC), financé par la firme chinoise, où des experts de l’administration britannique peuvent examiner le matériel de l’entreprise, et y rechercher des vulnérabilités, qu’il s’agisse de défauts non voulus par le fabricant ou de mécanismes conçus pour pouvoir dérober des données ou interrompre le fonctionnement d’un système. Au cours de ces deux dernières années, ce centre a mis en évidence un nombre croissant de ces vulnérabilités, sans se prononcer sur leur caractère intentionnel ou pas. Il a aussi relevé des problèmes de contrôle de qualité des produits. Les autorités britanniques estiment cependant
qu’elles peuvent gérer les risques posés par Huawei. Les Etats-Unis au contraire n’y croient pas, en dépit des liens étroits entre services de renseignement britanniques et américains.
MÉNAGER WASHINGTON
En juillet 2019, le gouvernement a publié une étude sur la chaîne logistique des télécommunications, concluant que le Royaume - Uni devrait imposer des contrôles supplémentaires à certains types de fournisseurs qui posent des risques de sécurité particulièrement importants, tout en cherchant à réduire au maximum les coûts de ces vérifications pour l’économie. Mais il a ajouté qu’il ne pouvait pas encore décider de ce que seraient ces contrôles supplémentaires.
Le Royaume-Uni est confronté aux mêmes problèmes que les autres pays occidentaux. D’un côté, Huawei est capable de fournir assez rapidement des systèmes 5G relativement bon marché, ce qui aiderait le pays à tirer parti des avantages concurrentiels qu’un déploiement rapide de la technologie nouvelle peut offrir. En outre, le Royaume-Uni ne veut pas braquer les autorités de Pékin, car il souhaite attirer des investissements chinois pour compenser les pertes causées par le Brexit. De l’autre côté, la présence de Huawei peut donner au gouvernement chinois des occasions pour dérober des secrets d’Etat ou commerciaux. Par ailleurs, si les Etats-Unis mettent à exécution leurs menaces de réduire leur coopération en matière de défense et de renseignement avec les pays qui utilisent les équipements de Huawei, le partenariat entre Londres et Washington, pierre angulaire de la politique de sécurité britannique depuis la Seconde Guerre mondiale, sera menacé.
Que le gouvernement britannique finisse par opter pour Huawei ou pour l’un de ses concurrents ( Ericsson, Nokia, Samsung), le retard qu’il prendra à en décider risque de provoquer des dégâts économiques. Par ailleurs, tous les systèmes étant vulnérables, même si au final ce n’est pas Huawei qui est retenue, les autorités chinoises trouveront probablement des moyens de pénétrer le réseau de 5G britannique.
Ian Bond, Directeur du programme de politique étrangère du Centre pour la réforme de l’Europe